QUEL EST LE ROLE
DU TRAITEMENT D'IMAGE ?

 

 Il y a de nombreuses choses que le traitement d'image peut faire...et d'autres qu'il ne peut pas !

Ce que le traitement d'image peut faire

En haute résolution, outre les fonctions habituelles de prétraitement (corrections d'offset, de dark et de flat), l'apport du traitement d'image est de deux types : augmentation du contraste des détails et réduction le bruit.

Augmentation du contraste

Les détails planétaires sont en général peu contrastés en comparaison de la luminosité moyenne du disque. C'est pourquoi une image planétaire brute, visualisée telle quelle sur un ordinateur, montre peu d'informations : les divers éléments d'un détail peu contrasté occupent un seul niveau de gris. Il faut accroître leur contraste afin de pouvoir mieux les distinguer.

Tous les algorithmes de traitement d'image destinés à augmenter le contraste travaillent de la même façon : ils amplifient les hautes fréquences de l'image. C'est pourquoi il sont appelés des filtres passe-haut, et le plus connu d'entre eux est sans nul doute le masque flou. Cette technique, difficile à mettre en oeuvre en photographie argentique, fonctionne en imagerie numérique de la manière suivante (figure ci-dessous, cf. Qu'est-ce qu'une courbe de FTM ?) :

- une image floue (courbe bleue) est fabriquée à partir de l'image planétaire brute (courbe rouge) par application d'un filtre passe-bas (gaussienne) dont la puissance est réglable ; les hautes fréquences sont supprimées,

- cette image floue est soustraite de l'image initiale ; le résultat (courbe verte) contient seulement les détails les plus fins (hautes fréquences), mais son apparence est étrange et inesthétique (malheureusement, cette image contient aussi du bruit),

- cette dernière image est multipliée par un coefficient réglable n (habituellement compris entre 2 et 10) puis ajoutée à l'image initiale. Le résultat (courbe noire) est une image dont l'apparence est 'normale' mais dans laquelle les détails à petite échelle (hautes fréquences) ont été amplifiés.

Ce type de filtre est très efficace mais malheureusement ne va pas sans inconvénients.

Premièrement, l'effet Gibbs : des artefacts peuvent apparaître dans certaines zones de l'image, notamment où l'on trouve des variations brutales d'intensité : bord d'une planète, ombre d'un satellite sur Jupiter, division de Cassini, etc...Cet effet est alors visible comme des auréoles sombres autour des zones claires, ou des auréoles claires autour des zones sombres. Sur un détail tel que l'ombre d'un satellite sur Jupiter, l'artefact est facilement reconnaissable sous la forme d'un anneau brillant encerclant l'ombre. Mais sur des détails de forme plus complexe, cet effet peut être plus difficile à détecter. Néanmoins il peut être présent et créer des 'faux' détails très difficiles à distinguer des 'vrais'. Malheureusement, ces artefacts étant liés aux détails réels, ils apparaissent de la même manière sur les différentes images traitées. La seule manière de réduire le risque de les provoquer est de limiter autant que possible la force du traitement, cela n'étant faisable que si le contraste est déjà suffisamment élevé dans les images brutes.

Une autre conséquence ennuyeuse des filtres passe-haut concerne le bruit. Dans une image brute, le bruit est principalement localisé dans les hautes fréquences...comme les détails amplifiés par le filtre ! Puisqu'il est impossible de séparer les détails du bruit, tous deux sont amplifiés de la même manière, et le résultat peut être une image où ils sont tellement mélangés qu'il est impossible de les distinguer. Parfois l'image semble très détaillée mais une comparaison avec des images plus fines (HST, Pic-du-Midi) montre qu'en réalité elle est dominée par le bruit ! C'est la raison pour laquelle le bruit doit être réduit avant application du traitement.

Réduction du bruit

Compte tenu des niveaux de lumière élevés atteints dans une image planétaire, le bruit est largement dominé par le bruit de photons (dans la plupart des cas les autres bruits sont négligeables). Ce bruit provient de la lumière de l'objet lui-même (le signal), il est dû à la nature discrète de la lumière. Dans une image brute, les lois statistiques nous apprennent que le niveau moyen de bruit est proportionnel à la racine carrée du signal. Par conséquent le rapport signal sur bruit est lui-même proportionnel à la racine carrée du signal.

Exemple : sur une image planétaire prise à l'aide d'une caméra dont le convertisseur A/D sature à 50000 électrons, le niveau moyen de luminosité du disque est d'environ 30000 électrons. Le niveau moyen de bruit est alors d'environ 170 électrons. Le rapport signal sur bruit est voisin de 170.

Sur un ordinateur affichant 64 niveaux de gris, le bruit est généralement invisible sur une image brute parce que son amplitude moyenne est inférieure à celle d'un niveau de gris (rapport signal sur bruit supérieur à 100). Mais, comme on l'a vu, le bruit est amplifié par le filtre passe-haut et devient évident après traitement. Dans l'exemple précédent, si le coefficient d'amplification du masque flou est de 8, le rapport signal sur bruit tombe à environ 20, et alors le bruit occupe plusieurs niveaux de gris. Il est maintenant parfaitement visible, mélangé aux détails.

Malheureusement, dans une image individuelle, il est impossible de réduire le bruit car il n'est pas séparable du signal. Mais, grâce à sa nature aléatoire, le bruit est différent d'une image à l'autre. Compositer 4 images multiplie le signal par un facteur 4 et le bruit par un facteur 2 seulement. Le rapport signal sur bruit a donc été multiplié par 2. Dans l'exemple précédent, combiner 10 images multiplie ce rapport par 3,3 : sa valeur devient 560 sur l'image composite, et 70 dans l'image traitée. Cette image est très douce à l'écran, et les détails réels sont plus facilement visibles (encore une fois, attention aux artefacts !).

Examinez les images ci-dessous. La première (en haut à gauche) est une image brute de Jupiter. La seconde (en haut à droite) est un compositage de 15 images. Toutes deux sont douces, la différence est invisible. Mais après traitement par masque flou (en bas), cette différence devient claire : la seconde image est beaucoup moins bruitée que la première, on y distingue même plus de détails parce que ceux-ci émergent du bruit.

1 image brute

15 images brutes

1 image brute
+ masque flou

15 images brutes
+ masque flou

 

En imagerie du ciel profond, il est encore plus difficile d'utiliser des traitements de type masque flou ou restauration (Ridcharson-Lucy, maximum d'entropie, etc...) car les effets indésirables décrits plus haut sont plus prononcés. En effet, le rapport signal sur bruit est nettement plus bas qu'en imagerie planétaire, le bruit est donc considérablement amplifié et les artefacts, en particulier les ronds noirs autour des étoiles (les 'yeux de panda'), donnent à l'image une apparence très désagréable. Là aussi, le meilleur moyen d'éviter ces problèmes est d'obtenir directement de bonnes images brutes.

Ce que le traitement d'image ne peut pas faire

Sans doute par analogie avec les effets spéciaux de cinéma, certaines personnes pensent que le traitement d'image est si efficace qu'il peut arranger des problèmes de prise de vues tels que la turbulence, une optique mauvaise ou mal réglée, une mauvaise focalisation, un mauvais guidage, etc... C'est une légende. Le rôle du traitement d'image n'est pas d'inventer les détails qui se sont évanouis à la prise de vues, il est de transformer l'image pour qu'on puisse mieux distinguer les détails...s'il y en a ! Il est impossible d'obtenir une bonne image traitée à partir d'une image brute médiocre, tout comme en photographie argentique il est impossible de transformer un mauvais négatif en un bon tirage. Bien sûr, parce que les détails sont difficilement discernables dans une image brute, la différence apparente entre une bonne image brute et une mauvaise est difficile à distinguer. Mais après traitement la différence devient énorme car le traitement ne peut pas créer des détails à partir de rien (cf. images ci-dessous). Les plus grands efforts de traitement ne valent pas la plus petite amélioration à la prise de vue : lorsque les photons arrivent sur le capteur, presque tout est joué. Le traitement d'image fait des prouesses, pas des miracles !

Image brute
télescope collimaté

Image brute
télescope décollimaté

Image traitée
télescope collimaté

Image traitée
télescope décollimaté

De plus, une image astronomique est quelque chose de fragile qu'il est dangereux (et inutile) de torturer pour en extraire l'information. Les logiciels de traitement d'image sont désormais si puissants qu'ils ressemblent à des Ferrari...mais ne les conduisons pas comme Ayrton Senna ! En réalité, le mieux est de traiter une image le moins possible : la première qualité d'un amateur dans ce domaine n'est pas sa technicité, c'est sa modération. Regardons les images planétaires du HST : elles sont détaillées mais néanmoins très douces, aucune trace du surtraitement qui affecte tant d'images d'amateurs. Si une image brute est bonne, un traitement modéré suffira à en montrer le contenu. Et si une image traitée montre peu de détails, c'est un problème d'acquisition, pas de traitement.