LA COLLIMATION
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Qu'est-ce que la collimation et à quoi sert-elle ?
La collimation est le réglage de l'alignement des différents éléments optiques d'un instrument les uns par rapport aux autres. Les livres d'optique nous présentent, pour chaque type de télescope, des principes de conception et des performances théoriques en supposant implicitement que cet alignement est parfaitement réalisé. Et même si ces ouvrages parlent peu (ou pas du tout) des dégradations causées par un défaut d'alignement, il faut savoir que les performances d'un télescope s'effondrent s'il n'est pas bien réglé. Et qu'aucun instrument, même s'il a été bien réglé en usine, ne conserve longtemps une bonne collimation...
La collimation est le moyen le plus radical (mais le plus méconnu !) d'améliorer les performances d'un télescope dans des proportions considérables. Souvent, l'instrument est métamorphosé. Aucun résultat à haute résolution ne peut être espéré sans une collimation irréprochable, le traitement d'image étant incapable de rattraper les désastres causés par un mauvais réglage. La collimation n'est pas une technique superflue destinée à faire plaisir aux puristes. Son importance est comparable à celle de l'accordage d'un instrument de musique : les images délivrées par un télescope déréglé peuvent être aussi lamentables que le son fourni par un piano désaccordé. Un amateur qui ne souhaiterait pas collimater régulièrement son instrument a tout intérêt à s'orienter vers une lunette de diamètre restreint. L'attrait du rendement (notamment en CCD) ne doit pas faire perdre de vue qu'en haute résolution la qualité est plus importante que la quantité.
La collimation est la pierre d'achoppement des télescopes, c'est certainement la principale cause de la réputation mitigée des Schmidt-Cassegrain. Ces instruments sont extrêmement sensibles à la collimation, et leur réglage peut être détruit par une fraction de tour d'une des vis de réglage. C'est une des raisons pour lesquelles des lunettes de petit diamètre, semblant défier toutes les lois de la diffraction, fournissent de meilleures images planétaires que des télescopes pourtant dotés de bonnes optiques de diamètre beaucoup plus important (cf. Quels sont les effets de l'obstruction ?). Les bénéfices d'une optique de bonne qualité ou d'une faible obstruction s'évanouissent au moindre déréglage.
Quelle est la précision de la méthode proposée ?
Par manque d'information, peu d'utilisateurs de télescopes osent régler la collimation de leur instrument. Et ceux qui s'y risquent se limitent en général au centrage de l'ombre du miroir secondaire sur une étoile très défocalisée. Etape certes nécessaire sur un instrument fortement déréglé, mais largement insuffisante car très imprécise. Après ce réglage, les images planétaires peuvent encore perdre plus de 50 % de leur contraste.
La méthode de vérification présentée ici est la plus précise, elle permet de réduire le déréglage résiduel de l'instrument à une valeur négligeable en pratique. Elle consiste à observer, à fort grossissement, une étoile défocalisée puis focalisée et à détecter une éventuelle dissymétrie des figures de diffraction, signe d'un déréglage plus ou moins prononcé. Cette technique ne nécessite aucun appareillage spécifique, juste un bon oculaire de courte focale et éventuellement une lentille de Barlow. L'observation d'une étoile à fort grossissement est également le meilleur moyen de vérifier si les conditions sont propices à l'observation ou à l'imagerie à haute résolution, car elle permet de juger si l'instrument est opérationnel (équilibrage thermique, etc.) et d'évaluer la turbulence atmosphérique d'une manière bien plus précise que l'observation d'une planète ou de la Lune.
Quand vérifier et régler son télescope ?
Les personnes qui pensent qu'un Schmidt-Cassegrain n'a pas besoin d'être souvent réglé ne réalisent probablement pas le niveau de précision d'alignement requis sur ce type d'instrument. Les contraintes sont telles qu'un simple transport en voiture modifie toujours un peu la collimation, et parfois de manière considérable. La collimation peut même varier selon l'orientation du tube optique (lorsqu'on dispose d'une monture allemande, une expérience instructive est de viser une même étoile au méridien successivement par la gauche et par la droite de la monture, afin d'observer la modification de la collimation due au retournement du tube). C'est pourquoi il est conseillé de choisir une étoile située dans la même direction que l'objet à observer. Si un léger déréglage peut être toléré en observation du ciel profond, c'est prendre un gros risque que de ne pas systématiquement vérifier la collimation avant une observation planétaire. L'idéal est que ce réglage devienne aussi machinal que la vérification de la pression des pneus ou du niveau d'huile avant un trajet automobile !
La collimation est-elle difficile ou risquée ?
Sur les télescopes de type Schmidt-Cassegrain ou Cassegrain du commerce, le seul réglage accessible à l'utilisateur se situe sur le miroir secondaire. Trois vis (poussantes ou tirantes), ou trois couples de vis (poussante-tirante) sur certains instruments, permettent de modifier son orientation. Le processus de collimation est itératif (vérification-réglage-vérification-réglage etc.) et ne comporte aucun risque ni aucune difficulté, dès lors que quelques principes simples sont suivis :
- la vis centrale, chargée de maintenir le support du miroir secondaire, ne doit pas être touchée,
- les vis doivent être serrées avec modération, aucune vis ne devant être forcée ou complètement desserrée,
- lors du desserrage d'une des vis, les deux autres doivent être serrées,
- les rotations imprimées aux vis doivent être de faible amplitude : un instrument fortement déréglé peut nécessiter 1/2 tour sur une des vis, mais le réglage fin s'effectue par des fractions de tour, voire à la flexion de clé,
- à chaque fois qu'un réglage est effectué, l'étoile de contrôle, qui s'est déplacée dans le champ de l'oculaire suite à la modification de l'inclinaison du miroir secondaire, doit être soigneusement recentrée.
Sur un télescope de type Newton, le réglage des miroirs s'effectue habituellement en deux étapes : alignement géométrique du miroir secondaire (à l'aide d'un oculaire de collimation), et réglage fin du miroir primaire. La méthode de collimation présentée ici correspond à cette seconde étape.
La collimation ne doit être effectuée que lorsque l'instrument est en équilibre thermique, faute de quoi des remous et des veines d'air dans le tube de l'instrument déforment les figures de diffraction et rendent les réglages difficiles, voire erronés.
Un renvoi coudé peut être utilisé, à la condition qu'il n'introduise pas d'aberrations optiques. Un tel accessoire décale habituellement l'image fournie par l'instrument : le centre du champ n'est pas exactement au même endroit avec et sans renvoi. Si le télescope est réglé en vue d'une observation visuelle, il est conseillé de collimater l'instrument avec le renvoi coudé. L'étoile de contrôle sera alors bien centrée dans le champ de l'oculaire. Par contre, si l'imagerie CCD ou la photographie est au programme, il est plus sûr de placer cette étoile à un emplacement correspondant au centre du capteur ou du film, même si elle apparaît décentrée avec le renvoi coudé. Par ailleurs, en présence d'un renvoi coudé, il faudra tenir compte du renversement haut-bas de l'image dans la détermination de la vis à toucher lors d'un réglage.
Les figures présentées ci-après ont été reconstituées par ordinateur et sont tout à fait représentatives des figures observées dans un Schmidt-Cassegrain, un Cassegrain classique ou de type Dall-Kirkham, ou un Newton (coma dominante). Dans d'autres instruments (lunette, Cassegrain de type Ritchey-Chrétien), les images d'étoiles fournies par une optique déréglée peuvent différer (l'astigmatisme peut être associé à la coma, voire la dominer). Néanmoins, quel que soit l'instrument considéré, une bonne collimation se matérialise toujours par une figure de diffraction parfaitement symétrique.
Comment effectuer la collimation
Première étape
La première étape consiste à observer une étoile brillante (magnitude 0 ou 1) à un grossissement d'environ une fois le diamètre de l'instrument en mm (ex : 200x pour un 200 mm). L'étoile étant fortement défocalisée (figures ci-dessous), elle apparaît sous la forme d'un disque lumineux percé d'un 'trou noir' central qui n'est autre que l'ombre du miroir secondaire. Cette ombre doit être bien centrée (figure de gauche). Si elle ne l'est pas (figure de droite), il convient d'agir sur la ou les vis situées dans la direction de l'excentrement (il peut être pratique de raisonner avec des heures, comme sur une horloge). En présence d'un renvoi coudé, ne pas oublier de tenir compte du renversement haut-bas de l'image. Si votre bras est assez long, vous pouvez également placer un doigt devant l'ouverture de l'instrument et ainsi repérer à quelle position se situe le décentrement.
Cette étape n'est à effectuer que sur un instrument fortement déréglé (comme l'est un télescope qui n'est jamais contrôlé). Si la collimation est retouchée régulièrement, aucune asymétrie n'apparaît généralement à cette étape.
Deuxième étape
Cette seconde étape nécessite une étoile plus faible que la précédente (magnitude 2 à 3 environ), haute sur l'horizon afin de minimiser les effets de la turbulence atmosphérique, et un grossissement plus élevé : 2 à 3 fois le diamètre de l'instrument en mm (ex : 500 x pour un 200 mm). Il ne faut pas hésiter à grossir, les défauts de collimation sont d'autant mieux visibles. L'étoile est légèrement défocalisée alternativement en avant et en arrière du point (plages intra-focale et extra-focale). Un système complexe et changeant d'anneaux et de point central apparaît (figures ci-dessous). Ce système doit s'ouvrir et se refermer de manière parfaitement symétrique et concentrique, en particulier le point lumineux doit être au centre des cercles (série du haut). Si ce n'est pas le cas (série du bas), il faut agir sur la ou les vis de collimation situées du côté de l'excentrement, exactement comme à l'étape précédente.
intra-focal |
foyer |
extra-focal |
Il est à noter que la décollimation présentée ici n'aurait pas pu être détectée à l'étape précédente.
Troisième étape
L'alignement final s'effectue dans les même conditions qu'à l'étape précédente, mais cette fois l'image est soigneusement focalisée. Apparaît alors la célèbre figure d'Airy, composée d'un faux disque entouré d'anneaux de diffraction de luminosité décroissante (figures ci-dessous). Si la collimation est bonne (figure A), le premier anneau de diffraction est complet et uniforme. Si cet anneau est non uniforme (figure B) ou, pire, qu'il est incomplet (figures C et D), il faut agir très légèrement sur les vis de collimation.
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D'une figure à la suivante, l'angle de décollimation du miroir a été doublé. La décollimation la plus importante (fig. D) ne représente qu'une fraction de tour d'une vis de collimation sur un Schmidt-Cassegrain. Sur ce type d'instrument, le passage de la figure A à la figure B représente moins de 1/20ème de tour de vis, un changement d'orientation du tube optique pouvant suffire à provoquer cette altération. On remarque facilement que la précision du réglage s'accroît nettement au fur et à mesure des étapes.
A l'inverse des précédentes étapes qui peuvent s'accommoder d'une turbulence sensible, cette étape nécessite de bonnes conditions de turbulence. De toute façon, si la figure d'Airy ne peut pas être distinguée, aucun résultat à haute résolution ne peut être espéré (excepté pour les gros instruments dans lesquels la figure d'Airy est rarement ou même jamais visible).
Une bonne manière de se familiariser avec les figures d'Airy est de diaphragmer fortement le télescope (à 50 mm par exemple) et d'observer la figure obtenue à un grossissement d'environ 100 à 150 fois. Toutefois, il est exclu de collimater l'instrument avec le diaphragme en place !
Quels sont les effets de la décollimation sur le contraste et la résolution ?
Chaque graphique ci-dessous (cf. Qu'est-ce qu'une courbe de FTM ?) correspond à chacune des trois décollimations présentées à la dernière étape, par rapport à la courbe théorique d'un instrument obstrué à 20 % et parfaitement collimaté. Sont également dessinées des courbes relatives à une aberration de sphéricité et à une obstruction accrue. Les courbes ont été ajustées pour coïncider et ainsi permettre de comparer une décollimation avec d'autres causes de dégradation des performances de l'instrument.
Un télescope obstrué à 20 % et décollimaté de cette manière a le même rendement que s'il était affecté de : - une aberration de sphéricité de l/2 sur l'onde - une obstruction de 69 % Dans les basses fréquences, l'instrument perd les 2/3 de ses capacités (diamètre effectif 85 mm pour un 250 mm). |
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Un télescope obstrué à 20 % et décollimaté de cette manière a le même rendement que s'il était affecté de : - une aberration de sphéricité de l/3,5 sur l'onde - une obstruction de 43 % Dans les basses fréquences, l'instrument perd 1/3 de ses capacités (diamètre effectif 157 mm pour un 250 mm). |
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Un télescope obstrué à 20 % et décollimaté de cette manière a le même rendement que s'il était affecté de : - une aberration de sphéricité de l/7 sur l'onde - une obstruction de 27 % Dans les basses fréquences, l'instrument perd 1/8 de ses capacités (diamètre effectif 220 mm pour un 250 mm). |
Quels sont les effets de la décollimation sur des images planétaires ?
Les courbes de FTM permettent de simuler l'effet d'une décollimation sur une image astronomique réelle. En dessous de chaque figure d'Airy correspondant à une décollimation donnée, se trouve l'image qu'aurait fournie l'instrument s'il avait été affecté par un tel défaut de réglage.
La décollimation de premier niveau (deuxième colonne) a des effets peu sensibles, elle peut être considérée comme la limite acceptable en haute résolution. Néanmoins, elle équivaut déjà à l/7 d'aberration sphérique sur l'onde et elle s'accumule aux autres problèmes et aberrations. Alors, puisqu'il suffit d'une fraction de tour de clé pour la supprimer, pourquoi se priver de ce gain facile ? Il y a déjà tant d'autres problèmes plus délicats à résoudre !
Le second niveau de décollimation (troisième colonne) a des effets beaucoup plus nets, la dégradation devient inacceptable pour la haute résolution.
Le troisième niveau (dernière colonne) conduit à un effondrement des performances, loin devant les effets de l'obstruction. L'instrument perd environ les 2/3 de ses capacités. A ce niveau, une bonne optique ne vaut pas mieux qu'une mauvaise, les lambdas si chèrement payés fondent comme neige au Soleil. Malheureusement, l'expérience montre que la plupart des télescopes en service souffre de dérèglements au moins équivalents à celui-ci. Personne ne voudrait (à juste raison) d'un télescope obstrué à 60 % ou plus, mais une majorité d'utilisateurs de télescopes, à cause de graves défauts de collimation, accepte implicitement de subir des dégradations d'images encore plus importantes. Pourtant, la différence majeure entre obstruction et décollimation est qu'on ne peut rien contre la première et qu'on peut tout contre la seconde !